Assise au milieu du salon rempli de caisses, j’ai le cœur lourd de te quitter.

Bruxelles
Je me souviens de nos débuts. Tu étais grande, remplie d’endroits que j’avais hâte d’explorer. Tu attirais des gens venus de tout horizon, de tout niveau social, parlant des langues que j’avais très peu entendues auparavant.
J’avais 21 ans, une petite nana qui ne savait pas très bien où elle allait. Je poursuivais mes études de géographie et j’avais préféré la capitale à sa concurrente estudiantine. Déjà, je ne voulais pas être dans une case, je voulais voir plus grand. Avec toi, tout me semblait possible.
Pourtant, j’ai toujours su que tu ne serais qu’une étape de ma vie. Que toi et moi, un jour on se dirait au revoir. J’ai voyagé chez toi comme on fait un tour du monde. Avec un sac, un manteau et un vélo. J’ai habité à 9 endroits. Dans un toit mansardé sur l’avenue de la Couronne, dans une coloc avec un poulailler à George Henri, dans plusieurs maisons de maître, dans une maison basse énergie, en appartement… J’avais même pensé un jour vivre au camping qui existait à l’époque près de la gare du Luxembourg.
Je t’ai vue changer, t’embellir, te verdir. J’ai exploré tous les parcs et les jardins partagés. Les potagers cachés derrière des impasses ou sur les toits. J’ai gravi tous les points les plus hauts, de la Basilique de Koekelberg, au toit du Palais Royal à Laeken ou encore de la tour de l’hôtel de Ville. Je t’ai encore connue avec des terrains vagues, des bâtiments du prestige industriel à l’abandon. Avec les copines on s’improvisait danseuses de clip. Avec les copains, on zigzaguait entre les voitures sur nos vélos de course vintage. On rentrait de nuit ou à la lueur du matin. Ça nous donnait l’impression d’évacuer les quelques bières de soirée. On se sentait tellement libre. Aujourd’hui, je roule sur une piste cyclable avec un vélo pouvant accueillir deux sièges enfants. J’ai un box vélo pour le garer et je rentre en tram ou en ubber.
J’ai rencontré les bruxellois. Ceux qui parlent français avec des mots flamands. Ceux qui partent en w-e dans les Ardennes et pour qui le reste de la Belgique fait partie d’un ensemble appelé “en province”. J’ai rencontré les bruxellois qui klaxonnent dans le quartier quand le portugal joue, qui s’installent en terrasse pour boire un thé marocain, qui parlent 5 langues couramment et qui boivent des verres le jeudi place du lux.
Tu m’as attendue quand j’ai décidé de partir en exploration pour me sentir grandir : le mémoire béninois, l’erasmus danois, le tour en solo australien, la saison de ski suisse, le voyage à vélo en amérique du sud… A chaque fois tu étais là à mon retour et j’étais heureuse de te retrouver. De reprendre nos habitudes. De me sentir chez moi.
Tu m’auras vue grandir. Entre mon premier job de prof à Anderlecht où je me souviens avoir passé une nuit blanche avec les copains pour m’aider à corriger les examens. Quand je me suis installée pour la première fois derrière un bureau, un ordi et avec une ligne de téléphone fixe. Ca parlait maison et enfants pendant l’heure du midi et je me demandais si je n’étais pas encore trop jeune pour “tout ça”. Quand j’ai signé mon premier CDI et que tout le monde trouvait ça existant sauf moi.
Tu auras essuyé mes larmes. Celles d’un coeur qui s’isole pour mieux se trouver. Celles qui coulent car la suite est incertaine. Celles qui doutent de voir les années passer. Celles qui font mal malgré elles. Celles de joie qui annoncent la venue d’un bébé. Celles qui accompagnent un OUI. Celles qui apaisent de se comprendre et de s’accepter. Celles qui accueillent la vie comme elle est. Celles qui décident que la vie sera belle.
Tu auras vécu tant de mes premières fois.
Aujourd’hui, sous le soleil du printemps, je continue mon chemin. Je reviendrai te voir car tu feras toujours un peu partie de moi.
A toutes les personnes que j’ai croisées sur ton sol durant ces 14 années. MERCI
Aurevoir Bruxelles